Nouvelles mobilités
Lutte contre les zones blanches, puissance des bornes : la recharge électrique opère sa mue territoriale
Sur le premier semestre 2023, en France, 230 743 véhicules électriques et hybrides rechargeables ont été mis à la route, contre 162 794 sur la même période en 2022, soit une hausse de + 41,7 % (1). Cependant, certains freins à l’adoption d’une mobilité électrique demeurent. L’autonomie arrive en tête de ces réticences chez 56% des conducteurs, devant le prix (49 %) (2). Oui, la « peur de la panne » perdure, malgré une autonomie des batteries de plus en plus performante, permettant de parcourir plus de 400 km avec la plupart des modèles. Une situation vouée à perdurer tant que la France ne se sera pas dotée d'un réseau d'infrastructures de bornes de recharge fiable, dense et équilibré. Or des « zones blanches » persistent sur le territoire, aussi bien en nombre de bornes qu’en puissance de recharge. Bonne nouvelle : le déploiement massif des IRVE (Infrastructures de recharge pour véhicules électriques) est désormais en marche !
100 000 bornes de recharge. Oui mais...
Le cap des 100 000 points de recharge publique a été franchi en mars 2023 et ce chiffre est en constante progression : on comptait 108 000 unités au 31 août 2023, soit trois fois plus qu'en 2020 (1). Ce chiffre pourrait être satisfaisant s’il ne laissait apparaître de fortes disparités sur du territoire : 60 % des installations sont situées en zone urbaine et périurbaine, là où le trafic routier est le plus dense, alors que les routes nationales, les autoroutes non concédées et de façon générale les zones à moindre trafic routier sont moins équipées.
Nous sommes aujourd’hui dans une situation comparable à celle observée pour la téléphonie mobile et la fibre internet avec des zones privilégiées et d’autres défavorisées, comme l’indique la carte ci-dessous.
La puissance de recharge, l'autre enjeu
Une borne rapide (22/50 KW) permet aujourd’hui de recharger à 80 % un véhicule électrique en 30 minutes environ, la recharge ultra-rapide (120/150 kW) abaissant ce délai à 10 minutes, tandis qu’avec une recharge « classique » (2,2/3,7 kW), cela prendra plusieurs heures. L’offre de bornes de recharge rapides et ultra-rapides représente environ 14 % des points de charge en France en mai 2023 (3), avec là aussi, des disparités régionales dans leurs implantations : si les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté et Nouvelle Aquitaine figurent parmi les régions les mieux équipées en recharges rapides ou ultra-rapides, à l’inverse, la Normandie, la Corse et les départements d’Outre-mer restent toujours très sous-équipés.
https://www.avere-france.org/wp-content/uploads/2023/09/AVERE_Hit_the_Road_TOME_3.pdf
Une dynamique positive
Entre janvier 2022 et avril 2023 la France a connu une croissance de 48 % pour les points de charge rapides ou ultra-rapides utilisant le courant continu et 13 % pour les points de charge « classiques » faisant appel au courant alternatif. Incontestablement, le réseau global monte en puissance en France (3).
À l’image du numérique, la fracture territoriale concernant le déploiement des IRVE va progressivement se réduire. L’action des pouvoirs publics est capitale dans ce sens : plus que le nombre de bornes, c’est l’intelligence du maillage qui compte. La France affiche ainsi aujourd’hui un point de recharge disponible pour 8,5 véhicules électriques, quand la recommandation européenne préconise un point de charge pour dix véhicules.
Des initiatives publiques et privées
Le déploiement des IRVE bénéficie d’un soutien massif de l’État. Ainsi, dans le cadre de « France 2030 », plan d’investissement dédié notamment à la transition écologique, 300 millions d’euros sont alloués au déploiement de stations de recharge rapide dans les métropoles et les territoires. L’objectif du Gouvernement est d’atteindre 400 000 points de recharge publique d’ici 2030.
Enedis figure parmi les principaux acteurs publics favorisant le rééquilibrage territorial des bornes de recharge. Le fournisseur d’énergie mène ainsi de nombreuses actions, en co-construction avec les acteurs de l’écosystème de la mobilité électrique : recharge sur la voie publique mais aussi dans les parkings publics, les immeubles d’habitation, les entreprises, les sociétés d’autoroute…
Pour mutualiser les efforts financiers de chacun, les Syndicats Départementaux d’énergie (SDE), propriétaires du réseau public de distribution d'électricité de moyenne et de basse tension, jouent dans de nombreuses régions la carte de l’union, « boostant » le déploiement des IRVE. Cette intercommunalité se traduit concrètement par une mise en commun des moyens humains et matériels. Par exemple, les Syndicats d’Énergie des Côtes d'Armor, du Finistère et d'Ille-et-Vilaine unissent leurs réseaux respectifs de bornes de recharge et harmonisent leurs tarifs. Dans le grand-ouest, un nouveau service de mobilité basé sur l’union des SDE régionaux et nommé Ouest Charge a vu le jour, proposant 2 200 points de charge sur 7 départements.
Le secteur privé est également très actif, les grandes enseignes de supermarchés faisant office de locomotives dans l’essor des IRVE. Ainsi, Carrefour prévoit le déploiement de 5 000 points de charge d’ici à 2025 à travers sa filiale Carrefour Énergies. Installés sur les parkings des magasins du groupe, ils seront répartis sur plus de 800 stations à travers l’Hexagone. Chaque station comprendra 10 points de recharge pour les hypermarchés et 5 points de recharge pour les supermarchés. Il s’agira exclusivement de points de recharges rapides ou ultra-rapides afin de se calquer sur le temps des courses. Le groupe Casino n’est pas en reste avec 6200 points de charge annoncés en 2024, uniquement composés d’unités à recharge rapide.
La fracture territoriale en matière de bornes électriques n’est donc pas une fatalité et la France est sur la bonne voie. Elle se doit de maintenir le cap pour se conformer au plan de l’Union Européenne, dont l’objectif est de réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 55% d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Pour atteindre ce but, la place des véhicules électriques dans le parc roulant doit encore progresser. Dans ce contexte, en complément d’une autonomie électrique qui ne cesse de progresser, le déploiement des IRVE sur l’ensemble du territoire est plus que jamais prioritaire.
Sources :
(2) Étude CSA-ALLIANZ avril 2023
(3) News Tank Mobilités – Déploiement des IRVE : « Le tournant des 100 000 points, l’enjeu des zones blanches » (Avere/AFRY), octobre 2023